3- LETTRE OUVERTE A L'AMF, questions simples le 4 décembre 2015


Courrier adressé le 4 décembre 2015





Ref : DEC-DEJI/2011.08
                                                                                  N° AMF 2014004380
                                                                                 

                                                                                   le 4 décembre 2015


Lettre recommandée AR


Madame la Secrétaire Générale Adjointe,


            L’actualité m’amène à donner suite à votre courrier en date du 3 juillet 2014 dans lequel vous m’expliquiez ne pas pouvoir répondre favorablement à ma demande de communication du dossier d’une enquête ayant portée sur certaines pratiques tarifaires de l’entreprise de marché Euronext-Paris.

J’apprends en effet par voie de presse que vos investigations sont closes et que lors de la séance plénière de la commission des sanctions de l’AMF qui s’est tenue le 4 novembre 2014, des amendes de 4  et 5 millions d’euros ont été requises respectivement à l’encontre d’Euronext-Paris et de la société Virtu.

Euronext aurait manqué à ses obligations réglementaires de loyauté, de neutralité et d’impartialité en ayant facilité la stratégie manipulatrice de Virtu sur les cours de 27 actions du CAC 40. Il est ainsi fait grief à la firme américaine d’avoir « inondé » le marché d’une « liquidité fantôme » avec pour effet de "fausser la perception des investisseurs", selon les termes employées par la représentante de votre Collège.

Quelle que soit la décision finale de la commission des sanctions, de tels griefs n’ont pu que m’interpeller.

En effet,  le 5 mars 2004, plusieurs dizaines de mes confrères et moi-même écrivions par voie d’avocat, au PDG d’Euronext  en reprochant à l’entreprise de marché d’avoir méconnu ses « obligations de loyauté, de neutralité et d’impartialité », en ayant  favorisé l’intervention de  ce que nous qualifiions alors de « programme de génération automatique d’ordres sans intervention humaine », aboutissant à une «  production artificielle d’ordres donnant une impression fausse du carnet d’ordres et du marché.»
            Cet acte précontentieux a donné lieu à une procédure de médiation devant vos services au cour du mois de novembre 2005, ceci sans susciter alors la moindre curiosité et a fortiori d’enquête de leur part. Sans doute avons-nous le tort d’avoir découvert trop tôt les turpitudes de ce qui est désormais connu sous l’appellation de « Trading à Haute Fréquence ».
Nous avons par ailleurs appris récemment que l’avocat d’Euronext présent lors de cette médiation, Maître Sylvie MORABIA, avait été le conseil du CMF, à notre meilleure connaissance de 1996 à 2003. Cette information ne nous avait étonnement été communiquée par aucune des parties concernée comme l’exige pourtant les bonnes pratiques en matière arbitrale.
Cette procédure ayant échoué, s’en est suivi un contentieux judiciaire sans précédent en France, opposant l’opérateur de marché à pas moins de 54 de ses membres. Ce litige dont l’AMF s’est là encore étonnement désintéressée, à servit d’édredon à cette affaire aujourd’hui pendante devant la Cour de cassation.

            L’AMF qui fut en son temps dithyrambique à l’égard des NCP, qualifiant notamment de «  décisive » leur « contribution à la liquidité immédiate du marché  » ne s’est pas inquiétée de ce que le nombre moyen d’habilitations qu’elle délivrait sur le marché parisien à ce type d’opérateurs et, qui était obligatoire jusqu’en 2008, n’ait concerné que des intervenants étrangers à compter de  mi-2003.
Vous ne pouvez ignorer qu’Euronext-Paris a procédé à un changement stratégique de modèle d’apport de liquidité lors de l’adoption de la plate-forme Liffe Connect en avril 2003 et que la fonction dévolue aux NCP a rapidement été assurée par des automates d’injection de prix à haute fréquence.
Ceci est aujourd’hui clairement avéré au travers de l’histoire de l’un d’entre nous, M xxxxxxxxxxx, dont il ressort qu’Euronext a purement et simplement fermé l’accès au statut de NCP de manière concomitante à l’adoption de cette plate-forme, avec pour conséquence la mise en place d’une inégalité de traitement à rebours manifeste et multiforme, dissimulée au sein de la catégorie depuis maintenant 12 années !
La fermeture de ce statut et de son unique intérêt à contracter avec l’entreprise de marché, à savoir sa tarification spécifique, explique l’effondrement soudain et durable du nombre de français s’étant présenté à votre guichet après 2003.

            Seuls des membres étrangers principalement soucieux de bénéficier d’un accès direct à la plate-forme de négociation pour exploiter des automates à haute fréquence sont devenus membres des marchés réglementés d’Euronext à compter de cette date. Je reviendrai sur cette problématique d’accès direct qui constitue un autre volet de l’inégalité de traitement en vigueur dans la catégorie de la négociation pour compte propre.
Euronext n’a par la suite eu de cesse de favoriser cette clientèle. C’est ainsi que dès 2006, profitant de la législation anglaise, elle a développé le master mnémonique, un outil permettant à des membres et à des non membres de marché basés à Londres de s’exonérer d’un filtrage préalable de leurs ordres et de gagner ainsi quelques millièmes de secondes dans la transmission de leurs ordres.
Les NCP et leurs adhérents compensateurs  ne pouvaient réglementairement pas bénéficier d’un tel outil à Paris.
De même en septembre 2007, votre autorité a accepté qu’Euronext mette en place, sur ses marchés à terme dont l'indice CAC 40 future, un service de colocation consistant à commercialiser des emplacements  privilégiés autorisant les clients capables de les louer, à installer leurs ordinateurs au plus près du système central de négociation.
Euronext, entreprise légalement soumise à une obligation d’impartialité et d’égalité de traitement de ses membres, propose donc en toute légalité des avantages compétitifs accessibles à certains membres seulement et qui, par définition, accroissent les inégalités entre membres…

L'AMF a très largement permis à Euronext de répondre favorablement aux sollicitations technologiques toujours plus excessives de sa clientèle THF. Pour meilleure preuve,  il suffit de relever qu'il est aujourd’hui reproché à l'entreprise de marché d’avoir exempté Virtu d’une taxation réglementairement prévue pour les ordres passés en excédent de 100 ordres pour une exécution !

Or il était à l’origine réglementairement prévu que les NCP seraient lourdement taxés (à hauteur de 0.30 euros par ordre) au-delà de 5 ordres passés pour une exécution. Cette contrainte qui interdisait dès 2003 toute automatisation compétitive des NCP n’a été remise en cause par Euronext que bien plus tard et de manière très progressive. Je dispose ainsi depuis 2008 de l’octroi d’un droit à 30 ordres pour une exécution.

Mes confrères et moi-même avons d’ailleurs découvert au cours d’une mesure expertale ordonnée dans le cadre de notre contentieux que ce qu’il convient d’appeler le « nouveau » statut  de NCP ou de dealer permettait de bénéficier d’une connexion directe à la plate-forme de négociation quand les « anciens » NCP étaient statutairement contraints d’être connectés à cette même plate-forme via l’infrastructure informatique de leurs adhérents compensateurs.
Cette obligation réglementaire interdisait, là encore de fait, à un NCP, pourtant en charge de l’animation de marché,  d’utiliser un automate de manière compétitive.
Il ressort de tout ceci qu’Euronext a instauré des inégalités de traitement multiples au sein de la catégorie de la négociation pour compte propre sur ses marchés parisiens en y faisant cohabiter 2 statuts aux avantages et contraintes fort dissemblables.
Sauf à ce que la Bourse de Paris soit devenue un souk, il ne saurait ainsi être affirmé que la tarification spécifique dont bénéficiaient les NCP leur aurait été maintenue avec l’objectif bienveillant de compenser les désavantages concurrentiels multiples dont ils ont par ailleurs été victimes.
Il apparait aujourd’hui que c’est au contraire pour s’exonérer de mettre explicitement un terme à leur fonction, avec les conséquences indemnitaires que cela aurait induit, qu’Euronext a laissé aux NCP cet outil destiné à favoriser l’accomplissement de  cette mission d’animation de marché.

            L’AMF fait en particulier grief  à l’entreprise de marché d’avoir appliqué de manière non publique une tarification privilégiée à la société Virtu.
Il va pourtant de soi qu’une inégalité de traitement ne peut pas être commise  au grand jour.
Pour preuve, la tarification préférentielle accordée aux NCP a subitement disparue des communications publiques d’Euronext lorsque son maintien est devenu inégalitaire par la fermeture de l’accès au statut y donnant droit.

            Sur son site internet, l’entreprise de marché explique aujourd’hui  que sa tarification appliquée à ses marchés réglementés dépend de 3 facteurs :
“The assigned member will be charged a trading fee for those contracts, based on, inter alia:
  • the product
  • the account type
  • the role of the member.”

Or, dans le cadre de notre contentieux, Euronext a toujours refusé de lier la tarification  préférentielle accordée à certains Dealers dont ma société, à l’existence d’un rôle ou d’une fonction. Plus généralement, Euronext a nié tout lien entre cette tarification et la contribution particulière des NCP à la formation et à la découverte des prix sur le marché, pourtant seule à même d’en justifier l’existence en droit boursier et en droit de la concurrence.
Pour ce faire, Euronext s’est à plusieurs reprises réfugiée derrière le paravent de l’AMF et a notamment affirmé   que c’était votre Autorité qui avait défini la fonction et le statut de NCP.

Je souhaitais donc savoir si selon vous les NCP ne sont pas des membres de marché dont la fonction principale est d’améliorer la liquidité des contrats à terme fermes à l’instar des teneurs de marché sur les contrats à terme optionnels ?

Je souhaitais aussi savoir si selon l’AMF, le statut auquel était attachée une tarification idoine indexée sur celles des autres membres est bien lié à l’existence d’une telle fonction ?

Entrons plus en  en détail dans l’affichage tarifaire actuel d’Euronext qui dit :
“This document explains the general fee principles of non-Liquidity Provider trades.
Details of Liquidity Provider trading fees are based on individual Liquidity Provider Contracts. Liquidity Providers are initially charged at the rates shown in this document. The final exchange trading fees for Liquidity Providers depend on the performance of the Liquidity Provider as described in the Liquidity Provider Programme.”
Permettez-moi de me considérer comme un apporteur de liquidité, autrement dit de me placer dans l’hypothèse où la tarification différenciée dont mes confrères et moi-même bénéficions depuis 17  ans aurait un fondement légal.
Je suis alors obligé de vous dire qu’Euronext affirme à tort à ses membres que les apporteurs de liquidité se voient appliquer la tarification affichée dans ce document et bénéficient d’un remise a postériori en fonction de leur performance.
Mes confrères et moi-même nous voyions directement appliquer une tarification préférentielle qui ne figure pas dans le document en question.
De même, aucune mention n’est faite de la singularité de notre tarification consistant en un remboursement de 50 % sur les allers-retours à somme nulle.
Enfin, alors qu’elle préparait sans doute notre éviction, Euronext a unilatéralement et, sous une explication trompeuse, supprimé en juin 2002, la Minimum Activity Charge qui pourrait être assimilée à la réalisation de  la « performance » décrite dans ce document.
Comment expliquer, sinon par la dissimulation d’une pratique fautive, le fait que l’affichage tarifaire d’Euronext ne satisfasse pas aux exigences d’exactitudes, de précision et de sincérité imposées par le Règlement Général de l’AMF aux communications financières à destination du publique ?
Bien que la passivité de l’AMF nous ait surpris, mes confrères et moi-même avons cru que certaines évidences seraient reconnues par la justice.
Or nous avons aujourd’hui compris qu’Euronext entendait, au prix d’une déloyauté intolérable,  faussement réécrire notre histoire dans un monde judiciaire qu’elle sait étanche.
Je vous demande donc en tant que membre de marché, et au nom de l’ensemble de mes confrères encore en activité et/ou en procédure, de répondre aux questions posées dans la présente et de procéder à l’ouverture d’une enquête sur l’intégralité des pratiques que je vous ai décrites.

Veuillez agréer, Madame la Secrétaire Générale Adjointe, l’expression de mes respectueuses salutations.






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